14-III) Extremis
Dès lors, ça n'arrête plus. J'écris un poème par jour, quelquefois deux par jour. L'écriture s'ancre profond dans l'horreur de la réalité, mais elle est poétique, alors elle élève le supplice jusqu'à des sommets presque mythologiques. Il y a quelque chose à voir avec les peines éternelles infligées à Tantale, Ixion, Prométhée. Je vois ma souffrance en grand. Je lui donne les proportions qu'elle mérite, elle qui me bouffe depuis près d'un demi-siècle. Je veux que le sordide fait-divers de mon enfance, qui ne prendrait au bas mot que trois lignes en entrefilet dans une feuille de chou, s'élève à la hauteur de mon ressenti. En 2008, je souffre bien plus que ne m'a fait souffrir mon abusant mineur. Je me suis trouvé un bourreau bien plus impitoyable que lui. Ce bourreau : c'est moi. Je me persécute au quotidien, jusque dans mes cauchemars, en entretenant sur quelque autel profane enfoui dans mon subconscient, le sombre feu d'une passion inextinguible.
Apprends-moi
La ferraille rougie de tes fourches caudines
Et l’horreur accroupie des grises latomies
Prends-moi tout
Même l’air que je respire
Ton parfum me suffit.
Image - "L'Appui 07" 2/50 by Christophe Hohler (76 x 57) Lithograph